Jacques Gillot-Péan 2025
Introduction
Il est un devoir d’accepter que les autres puissent nous solliciter, nous formuler des demandes (y compris des demandes « hors-jeu »). Parallèlement, il est un droit de refuser la sollicitation, la demande. Lorsque l’on ne souhaite pas faire quelque chose, on a le droit de le dire à celui qui nous le demande. L’important aura été alors d’exprimer sincèrement les raisons de son refus.
Les préjugés sur le refus sont nombreux : si je refuse je vais agresser l’autre, je vais entrainer un conflit ; c’est à l’autre de deviner que je n’ai pas envie de lui accorder ce qu’il me demande ; dire « non » c’est se montrer désagréable, hostile ou égoïste ; pour dire « non », je dois forcément me justifier …
Les préjugés sont nombreux et ils sont tenances. Exprimer un refus, c’est un peu comme marcher sur une corde raide. Le risque, en effet, est de basculer d’un côté (la passivité avec la capitulation) ou de l’autre (l’agressivité avec le rejet de l’autre).
Il existe pourtant quelques règles simples pour savoir dire non de façon affirmée. La question n’est plus alors de savoir dire non mais de savoir comment refuser.
Annoncer le refus
Il est souhaitable de dire non d’emblée.
« Non, je ne peux pas m’occuper de ce dossier », « Non, il m’est impossible de changer mes dates de vacances », « Non, je ne pourrai pas participer à cette réunion ».
Il faut éviter les « oui, mais » et les propos qui n’expriment pas directement le refus et les suggèrent seulement. « Si j’avais eu le temps, je vous aurais bien aidé à boucler ce travail ».
Exprimer sa position
Il s’agit là d’un élément à manier avec beaucoup de précaution, le risque étant d’entrer dans des justifications inutiles.
Dans de nombreuses situations, un refus n’a absolument pas besoin d’être justifié. A un démarcheur à domicile qui vous propose l’achat d’une encyclopédie, un « Non merci, ça ne m’intéresse pas » formulé gentiment suffit. Ajouter « J’en ai déjà une collection complète », ou « Je n’ai plus d’enfants en âge scolaire » n’est pas très « affirmé ».
Dans beaucoup de situations professionnelles, en dehors d’un contexte hiérarchique, nous n’avons pas non plus à nous sentir obligés de nous justifier. D’autant plus que les raisons invoquées peuvent être plus ou moins valables (le pire étant de donner de fausses excuses). Les explications que nous donnons sont susceptibles aussi d’être discutées par notre interlocuteur. D’où le besoin de nous justifier encore plus et le risque de nous retrouver dans une position de plus en plus difficile.
Dire non à son supérieur est bien sûr différent. Souvent, il est nécessaire « d’expliquer » son refus, mais il est conseillé de ne pas le faire d’emblée et d’attendre que ce soit lui qui nous demande pourquoi.
Les gens sont étonnés de constater que, lorsqu’ils expriment leur refus sans donner d’explications, très souvent leurs interlocuteurs ne leur demandent pas de se justifier mais préfèrent insister. Vous pouvez tenter l’expérience. Alors, pourquoi se justifier systématiquement à l’avance ? Cela affaiblit toujours un peu le refus.
Comprendre l’autre
Cette partie de la formulation est fondamentale, puisque c’est celle qui rendra notre refus non agressif. Après avoir défendu notre position, il est nécessaire de comprendre la position de l’autre. Lorsque quelqu’un nous demande quelque chose, il ne le fait pas dans l’intention de nous ennuyer, même si nous le percevons comme tel mais il a un problème qu’il cherche à résoudre en faisant appel à nous. Et c’est cette réalité que nous devons percevoir et lui communiquer par des formulations du style : « Je vois bien qu’il est difficile pour vous d’assumer seul ce travail », ou « Je sais que cela te ferait plaisir que je t’accompagne à cette réunion ».
Ces phrases « d’acceptation » de l’autre sont évidemment préférables à des « Vous pouvez vous débrouiller tout seul », ou « C’est ton problème » ou « Ce n’est pas mon problème ».
Il faut savoir refuser une demande sans pour autant rejeter celui qui la formule.
Persister dans son refus
Souvent, un simple refus ne suffit pas. Notre interlocuteur revenant à la charge, il va être nécessaire de persister et de maintenir notre position. Le risque est grand soit de baisser les bras et d’accepter tout en maugréant soit de hausser le ton pour imposer agressivement notre refus
Une bonne persistance consiste à répéter son refus, parfois inlassablement, en gardant chaque fois un ton calme, courtois mais ferme. C’est la technique du « disque rayé ».
Conclure positivement
La manière dont se termine l’échange est déterminante dans l’efficacité de notre refus et quant à l’impression que gardera notre interlocuteur.
Si la personne accepte finalement notre position, il faut la remercier sincèrement : « J’apprécie beaucoup, car je sais que vous souhaitiez que je réponde favorablement à votre demande ». De la même façon, et même si nous n’avons pas répondu positivement à la demande, rien ne nous empêche de dire à notre interlocuteur : « De toute façon, tu as bien fait de me le demander ».
A l’opposé, si finalement nous sommes amenés à faire ce que nous souhaitions initialement refuser (nous ne pouvons gagner à tous les coups !), il ne faut pas alors nous déjuger (« Bon, je vais le faire, ça ne m’ennuie pas tant que ça… ») ni devenir agressif (« Vous exagérez quand même »). Là encore une position affirmée est souhaitable : « Je vois que c’est important pour vous et je vais le faire, même si, comme je vous l’ai déjà dit, cela n’entre pas vraiment dans le cadre de ma fonction ».
Très souvent, la recherche d’un compromis où chacun trouve un avantage est hautement souhaitable de manière à ne pas conclure l’échange dans une atmosphère de match où il y aurait un gagnant et un perdant.
Conclusion
Savoir et oser dire non est essentiel à notre cohabitation avec les autres et déterminant pour défendre notre territoire professionnel et notre bien-être personnel.
Cependant, il ne s’agit pas d’en abuser. Refuser systématiquement tout ce que l’on nous demande et qui ne nous convient pas s’avérerait être une attitude inadaptée et intenable. Il faut donc accepter, parfois un peu contre notre gré, certaines des demandes que nous recevons, tout en faisant comprendre à l’autre (discrètement si nécessaire et sans le culpabiliser) que cela nous coûte malgré tout. Il s’agit de trouver un équilibre judicieux entre ce que nous refusons et ce que nous acceptons.
Cela permet d’être plus à l’aise dans les demandes que nous pouvons être amenés à formuler aux autres. Dans ce cas, nous savons bien, de la même façon, qu’ils peuvent accepter notre requête ou nous dire non à leur tour tout aussi librement.
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