Jacques Gillot-Péan 2024
Introduction
La première responsabilité d’un dirigeant est de produire et d’énoncer une ambition pour son entreprise en dessinant un avenir inspirant. Il convient ensuite de créer les conditions de l’adhésion et de l’appropriation de cette vision par l’ensemble des acteurs concernés de l’entreprise.
Ce deuxième temps concerne la planification stratégique : elle repose sur une mécanique analytique incontournable qui n’est ni éthérée ni scolaire mais s’articule autour de six concepts clefs :
- Le constat
- Le diagnostic
- Le pronostic
- Les priorités stratégiques
- Les objectifs à 3 ans
- Les lignes d’action
Ces concepts sont, certes, bien connus mais trop souvent confondus générant approximations, incohérences voire errances dans la formalisation de la pensée stratégique. Si la pensée stratégique, toujours première, tient de la vision instantanée, de la fulgurance voire du songe, la mise en acte de cette pensée, toujours seconde sans être secondaire, tient d’une démarche méthodologique rigoureuse : elle permet au manager d’organiser cette pensée stratégique, de vérifier sa cohérence et son exhaustivité et de la rendre communicable.
Le constat :
Le constat est a priori une opération descriptive simple. Il s’agit d’identifier, de hiérarchiser et de catégoriser les faits caractérisant la situation actuelle de l’entreprise. Ces faits doivent reposer sur des données irréfutables, non susceptibles d’être contestées. Il ne s’agit ni d’explications, ni d’analyses causales, ni d’interprétations. Ce sont des chiffres « certifiés », des éléments inscrits dans un réel observable par tous.
Les écueils au cours de cette étape de constat sont fréquents : l’aveuglement, la positivité béate, la noirceur absolue, l’oubli d’un élément essentiel ou une hiérarchisation non pertinente.
Le diagnostic :
Le diagnostic est très souvent confondu avec le constat. Il s’agit, pourtant, de bien autre chose. Le diagnostic n’est pas descriptif mais explicatif et interprétatif. Il s’agit essentiellement de :
- Mener une analyse causale : pourquoi présentons-nous ces points forts et ces points faibles ? d’où viennent-ils ? Quelles en sont les causes ?
- Identifier les risques encourus : quels dangers nous guettent ?
- En mesurer l’occurrence et la gravité : ces risques sont-ils certains, gênants, gravissimes, ou non ?
- Interpréter et synthétiser le constat : in fine quelle est ma vision actuelle en tant que dirigeant ? Sur quels leviers doit-on et faut-il agir ?
Le pronostic :
Le pronostic est par nature incertain. Il convient de ne jamais faire injure à l’avenir en affirmant de manière péremptoire un devenir certain. La prévision n’est pas une prédiction. Néanmoins, la prise en compte du temps, la perception des changements à l’œuvre est indispensable au manager/dirigeant. Un diagnostic consiste à :
- Identifier des facteurs de changements
- Discerner les menaces dont ils sont porteurs
- Dégager les opportunités qu’il convient de saisir
Toutes les approches de la planification stratégique portent toujours sur les éléments de changements suivants : économiques, financiers, concurrentiels, technologiques, sociétaux, environnementaux, règlementaires ou juridiques.
Les priorités stratégiques :
Les priorités stratégiques reflètent les choix du dirigeant. Au regard d’une situation complexe et multidimensionnelle, quels sont les enjeux ? Il ne s’agit pas encore de définir des ambitions chiffrées mais simplement :
- De préciser le domaine principal (ou les domaines principaux et, dans ce cas, hiérarchisés) sur lequel il convient d’agir : le développement, la rentabilité, la technologie, les ressources humaines, l’actionnariat, …
- De caractériser le sens de l’orientation stratégique : capter une nouvelle clientèle de tel type, mettre en marché un nouveau produit ayant telles caractéristiques, investir sur tel choix technologique, faire de la croissance externe, …
- D’argumenter et de justifier ce choix pour donner du sens et permettre son appropriation par les acteurs.
Plusieurs priorités stratégiques restent possibles mais il convient d’éviter l’inventaire et le catalogue : au-delà de trois priorités tout devient essentiel et, donc, rien n’est important.
Les objectifs à 3 ans :
Ils traduisent en chiffres et en échéances les priorités stratégiques. Un objectif est « un résultat attendu en terme de quantité, qualité, coût, délai à une échéance donnée ». Parler d’objectif chiffré tient du pléonasme.
Les objectifs peuvent appartenir au même champ de préoccupation (développement, rentabilité, technologie, ,…) ou, au contraire, porter sur des registres différents mais complémentaires. Néanmoins, ils doivent tous converger de manière évidente vers l’atteinte de la même priorité stratégique.
L’objectif guide l’action des acteurs de l’entreprise et de chaque unité. C’est le résultat à atteindre grâce à la combinaison de moyens matériels, financiers et humains sur une période déterminée. À l’issue de l’échéance, il sert de référence au contrôle.
Les lignes d’action :
Elles expriment les grandes réalisations requises pour atteindre les objectifs à 3 ans. Elles indiquent également leur échéance de mise en œuvre ou de mise en marché.
Dans le cadre d’une planification stratégique, il ne s’agit pas de bâtir des plans d’actions annuels par unité ou par direction, cette approche conduirait à la confusion, l’abstraction ou l’illusion :
- La confusion : il est impossible de construire un plan d’action détaillé et « palpable » sur une durée de trois ans, surtout pour une entité organisationnelle large. Le plan d’action est par essence mensuel, opérationnel et destiné à une unité, un responsable d’équipe ou à un petit groupe dédié.
- L’abstraction : un plan d’action relatif à un objectif d’entreprise à 3 ans est nécessairement tissé « à grosses mailles ». Il devient par ce fait, un amalgame de vœux pieux plus ou moins intentionnels s’il est utilisé dans ce cadre.
- L’illusion : bâtir des plans d’action à 2 ou 3 ans revient à tomber dans le syndrome du « devenir certain » du monde sans changement, sans mouvement, sans aléa.
Le manager stratégique doit rester au niveau du stratégique et laisser l’opérationnel à son encadrement, moyennant supervision, contrôle et suivi des résultats ou des réalisations.
Conclusion
En matière de planification stratégique, les dirigeants utilisent, peu ou prou, quatre approches distinctes : le projet d’entreprise, le plan à moyen terme, le plan de développement ou le plan d’orientation stratégique. Au-delà des approximations terminologiques et les formes mixtes ou hybrides parfois utilisées, ces quatre pratiques renvoient à des choix différents tant au plan conceptuel que méthodologique.
Mais ceci est une autre histoire…
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