Le télétravail : Miroir aux alouettes ?

Le télétravail : Miroir aux alouettes ?

 Jacques Gillot-Péan – Septembre 2020

 

 

Introduction

 

Face à la crise sanitaire une nouvelle forme de travail a vu le jour pour certains, s’est développée pour d’autres, s’est imposée pour beaucoup : le télétravail.

 

Le concept n’est pas nouveau mais sa mise en œuvre restait rare avant le choc de la Covid 19 : seuls 3% des salariés le pratiquaient au moins une journée par semaine. Rendue nécessaire par les contraintes du confinement cette forme de travail a connu une explosion durant cette période.  Ce qui aurait pu rester une parenthèse, une démarche exceptionnelle permettant aux entreprises de se réorganiser pour poursuivre tant bien que mal tout ou partie de l’activité s’est poursuivi au sortir du confinement et tend à bouleverser les pratiques professionnelles.

 

On ne compte plus les avantages du télétravail que mettent en avant, aujourd’hui, les partisans de cette pratique professionnelle. On trouve même dans ces nouveaux « convertis » des responsables qui, hier, rechignaient à explorer cette voie voire s’opposaient à toute activité professionnelle réalisée hors des abords immédiats de l’endroit où le résultat du travail est attendu et en dehors de toute possibilité physique de surveiller l’exécution de la prestation.

Il faut reconnaître que les atouts du télétravail sont nombreux et réels tant au niveau des utilisateurs (souplesse dans son organisation personnelle, meilleur confort de vie, gain de temps sur les transports, …) que pour les entreprises (réduction des coûts liés à l’espace de travail, baisse de l’absentéisme, accroissement de la productivité, …) ou la société (impacts positifs sur l’environnement, la santé ou le social).

 

Notre propos, dans cet article, n’est donc pas de remettre en cause les avancées de cette forme de travail mais d’alerter sur le syndrome du « miroir aux alouettes » :  dans le temps le dispositif peut s’avérer toujours séduisant mais trompeur.

A terme, le télétravail peut fragiliser les valeurs fondatrices de la république (la liberté, l’égalité, la fraternité) et ébranler la colonne vertébrale de toute entreprise que constitue le management de proximité. En tout cas, le télétravail nécessite préparation et accompagnement car sans ces précautions, il peut être source de risques et générer des désillusions pour chacun.

 

 

Le leurre de la liberté

« Le télétravail donne plus de liberté aux salariés pour organiser leur temps de travail et leur temps de vie privée ». Oui, mais attention aux pièges qui sont, au moins, au nombre de trois :

 

 

Le marché de dupes de l’égalité

On ne peut se satisfaire pleinement de transformations, au motif qu’elles élèvent le progrès social, si par ailleurs elles renforcent des inégalités. Le télétravail participe de ce progrès en trompe l’œil en créant ou renforçant trois nouvelles sources d’inégalité :

 

 

La poudre aux yeux de la fraternité

Aux yeux des fondateurs de la devise républicaine, la fraternité est fondée sur l’appartenance à une même collectivité, l’adhésion à un groupe ; c’est le ciment de la nation. Il en est de même pour une organisation professionnelle qu’elle soit publique ou privée. Faire sortir les salariés de leur lieu de travail pour exercer leur métier, de façon importante et durable, peut entacher le sens du « vivre ensemble » dans une société déjà fractionnée sous bien des aspects :

 

 

La perte de repères du management de proximité

Le télétravail, sorte de travail à distance, rend difficile (voire impossible dans certains cas) l’exercice du rôle de manager de proximité. Imagine-t-on un orchestre sans son chef au pupitre, une équipe de basket sans son entraineur sur le banc de touche, une troupe de théâtre sans son metteur en scène en coulisse, une brigade sans son chef en cuisine ?

La culture managériale est fondée sur une relation de face à face (au niveau individuel) pour stimuler, accompagner, évaluer et sur une animation collective pour coordonner, confronter, donner du sens. Le télétravail amène à reconsidérer la manière de manager les collaborateurs pendant que ceux-ci se demandent comment s’y prendre pour rendre compte de leur activité.

L’alternative c’est la confiance et l’auto contrôle mais la confiance suppose un lien social déjà établi depuis longtemps ce qui n’est pas le cas de tous les nouveaux collaborateurs et l’auto contrôle suppose une lucidité sur ses propres pratiques ce qui reste un modèle rare dans une société marquée par l’individualisme. Le management de proximité est bouleversé d’autant que le manager lui-même est confronté aux mêmes risques que ses collaborateurs.

 

 

Conclusion

Afin d’anticiper ces risques et ne pas être confronté à de sévères désillusions le déploiement du télétravail nécessite une préparation rigoureuse et un accompagnement régulier :

 

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