Devenir le manager de ses anciens collègues

Devenir le manager de ses anciens collègues

Jacques Gillot-Péan 2023

 

 

 

 

Introduction

 

 

Devenir pour la première fois manager reste un moment important pour un acteur engagé dans la vie professionnelle de son entreprise. Devenir le manager de ses anciens collègues devrait, a priori, faciliter ce passage dans la mesure ou le responsable se trouve dans un milieu connu et généralement bienveillant (excepté le cas où une hostilité à l’égard de la personne préexistait à la nomination et, dans ce cas, il y aurait erreur de casting).  Pour autant on constate que la situation s’avère plus complexe que prévue : comme dans tout changement, cette mutation génère des modifications de comportements voire des blocages. Passée « l’euphorie » de la nomination, le nouveau manager se retrouve à penser à ses anciens camarades et les choses deviennent alors plus compliquées : jalousies, oppositions, désapprobations à propos de cette nomination, malaises, auto censure, etc… peuvent chahuter l’événement et mettre en péril la réussite de ce choix.

Le nouveau manager doit aborder ce passage délicat (le passé n’est pas encore révolu et le futur n’a pas encore de contour discernable) avec beaucoup de finesse pour rester professionnel dans sa nouvelle posture de responsable hiérarchique sans se mettre à dos ses anciens collègues devenus ses collaborateurs. Il dispose de peu de temps (quelques jours voire quelques semaines, tout au plus) pour éviter de transformer cette bonne nouvelle en « galère ».

Réussir le management de ses anciens collègues suppose d’avoir identifié et analysé les différentes sources de difficultés réelles et potentielles liées à cette situation afin de ne pas tomber dans les pièges « grossiers ». Cela demande aussi de la méthode, des techniques et du développement personnel pour entrer dans son nouveau costume et ainsi devenir ce que l’on est : un manager.

 

 

 

Les sources de difficultés réelles et potentielles

 

 

La personne nommée manager d’une équipe dont elle était un des membres va inévitablement rencontrer un ensemble de difficultés propres à cette situation particulière. Ces difficultés réelles, potentielles ou fantasmées sont de trois natures différentes :

 

 

1/ Des relations humaines modifiées :

Lorsque le nouveau manager affirme aux membres de son équipe « ne vous inquiétez pas, ma prise de fonction ne changera rien » c’est faux ! Le lien hiérarchique, avec son triple engagement (répartition du travail, contrôle des réalisations, évaluation des collaborateurs), modifie forcément les relations entre les acteurs. Un ensemble de sentiments bien connus peuvent naître chez les anciens collègues devenus collaborateurs :

 

Bref, le chemin du nouveau manager n’est pas toujours pavé de bonnes intentions. Ne pas prendre en compte cette réalité liée à l’existence d’un lien hiérarchique c’est s’illusionner et provoquer à terme des malentendus, des dialogues de sourd ou des quiproquos générateurs de tensions, d’oppositions et de conflits.

 

 

2/ Des pratiques « métier » balbutiantes :

Le management est un métier dont la réussite suppose le partage d’un système de valeurs humanistes sans quoi l’exercice du pouvoir peut devenir dangereux, la compréhension des jeux et des enjeux pour ne pas agir en aveugle et la mise en acte concrète de pratiques spécifiques à ce métier pour faciliter la réussite de chaque collaborateur et la dynamique de l’équipe. Une personne qui prend en charge le management de ses anciens collègues éprouve (ou peut éprouver) des difficultés sur quatre plans principaux :

 

 

3/ Un « procès » en légitimité :

La nomination à un poste de manager nous confère un statut mais pas (encore) une légitimité. Le statut est directement attribué par la hiérarchie qui nous nomme et il ne se discute pas alors que l’autorité nous est reconnue par nos interlocuteurs (pairs et collaborateurs) et elle se construit progressivement. Le nouveau manager de ses anciens collègues minimise, parfois, l’importance de cette notion en se confrontant à une triple confusion :

 

 

 

Une démarche gagnante

 

 

Afin d’éviter les différents écueils inhérents à cette situation spécifique qui est celle du responsable nouvellement nommé pour manager ses anciens collègues, il n’existe pas de « remède miracle » ou de poudre de perlimpinpin. Le bon sens reste de mise. Toutefois, déployer une démarche logique et chronologique favorise les clefs du succès ; cette approche s’articule autour de quatre temps essentiels :

 

1/ En amont de la nomination.

L’ambition n’est pas une maladie honteuse ; souhaiter devenir manager dans son entreprise reste très louable surtout si l’on se sent porteur d’un projet pour une équipe et qu’on dispose d’un potentiel et d’une motivation pour le mettre en œuvre. Toutefois, pour éviter le sentiment qu’il y a « anguille sous roche », il convient d’être transparent : annoncer à ses collègues que l’on aspire à briguer une telle fonction pour en parler voire pour lever certaines craintes facilite l’acceptation le jour venu. Les membres d’une équipe qui apprennent « par la bande », par des bruits de couloir ou par la voie hiérarchique qu’un de leur pair à été nommé chef risquent de lui faire payer, lors de sa nomination, son absence d’authenticité ou « d’honnêteté » (« s’il nous a caché cela, qu’est-ce qu’il peut nous cacher d’autre ? »)

 

2/ Au plus près de la prise de fonction.

Le premier jour de sa nomination ou, au plus tard, au cours de la première semaine, le nouveau manager doit réaliser les deux premiers actes de management déterminants pour bénéficier de « l’état de grâce » propre à la nouveauté d’une nomination et gagner, ainsi, a priori six mois de crédibilité managériale :

 

3/ Durant les trois premiers mois.

Suite à la réunion et aux entretiens de prise de fonction, le nouveau manager doit mettre en place trois opérations prioritaires sur les trois à six premiers mois suivant sa nomination :

 

4/ d’une façon pérenne.  

Adopter et perfectionner en permanence quelques postures clefs qui constituent les différentes pièces du costume d’un manager face à ses anciens collègues :

 

 

 

Conclusion

 

 

Le management reste, bien entendu, un challenge stimulant et gratifiant pour un opérationnel qui souhaite évoluer. Pour autant, débuter sa carrière de manager auprès de ses anciens collègues n’est pas la configuration la plus simple même si elle reste la plus fréquente.

Ceci dit, comme « c’est ça ou rien » mieux vaut s’y préparer pour identifier et gérer les difficultés spécifiques de cette configuration. Le management n’est pas une science exacte mais une praxis, manager n’est pas inné ni ne s’improvise, cela s’apprend.

 

 

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