Le stratégique, le politique et le tactique en management

Le stratégique, le politique et le tactique en management

 

Jacques Gillot-Péan –2022

 

 

 

 

Introduction

 

 

Il est essentiel de différencier strictement le territoire de chacun des trois domaines managériaux que composent le stratégique, le politique et le tactique. Les confusions ou les amalgames, trop souvent, font obstacles à la complémentarité et à l’interaction de ces trois champs.

 

Le stratégique relève du monde de la pensée : il s’agit de se forger une vision du monde, de traduire cette vision prospective en finalité et objectifs, de concevoir une planification rigoureuse (actions, échéances, modalités, moyens, …).

Le politique renvoie à la question du pouvoir, des alliances, des conflits, des négociations, …bref du jeu des acteurs et de la carte des partenaires (cf. l’article consacré à cette thématique) à dessiner pour se doter d’un maximum de ressources avant la mise en acte de sa pensée.

Le tactique soulève la problématique de la mise en œuvre opérationnelle de la stratégie, des actions complémentaires et correctives à déployer pour s’adapter au moment, à l’imprévu, à l’actualité, aux parades de l’adversaire, aux vents contraires, …

 

Concernant l’articulation et l’interaction entre ces trois champs managériaux, bon nombre de lieux communs circulent qui méritent d’être écartés. Nous en abordons, ici, cinq principaux.

 

 

1/ Le pouvoir est maléfique, par essence

 

Le pouvoir est le potentiel d’influence sur le comportement des collaborateurs, c’est la capacité à obtenir que quelqu’un fasse quelque chose qu’il n’aurait pas fait spontanément. Qu’il soit statutaire (lié à la fonction), d’expertise (lié à la compétence) ou personnel (lié au charisme), le pouvoir reste un instrument indispensable à l’exercice de la responsabilité sans quoi rien ne bouge.

Toutefois, le pouvoir fait peur, parfois, quand il est vécu, comme dangereux, manipulateur, usurpé, … En fait, le pouvoir n’est qu’un moyen d’imprimer sa pensée, de l’inscrire dans les faits. La pensée peut être satanique, le pouvoir n’est qu’une arme.

La véritable question est de savoir qui tient cette arme : l’assassin ou le défendeur de la veuve et de l’orphelin.

 

 

2/ Le sens politique et le sens stratégique ne font qu’un

 

Cette assertion est malheureusement fausse. Nous avons très souvent rencontré des dirigeants :

Le sens politique c’est l’art de pouvoir repérer, comprendre et prendre en considération les enjeux propres à son milieu organisationnel pour y soutenir le succès de ses idées, influencer positivement le cours des choses.

On voit bien que sans un dessein, une vision claire et transparente, l’exercice du pouvoir peut glisser dangereusement sur le terrain des magouilles ou des manipulations. Il paraît donc nécessaire que ces deux « disciplines » restent nettement distinctes dans les esprits pour éviter de sérieux inconvénients.

 

 

3/ Le tactique est secondaire

 

Certes la mise en œuvre opérationnelle de la pensée stratégique est seconde mais elle n’est pas secondaire ; au contraire elle reste essentielle. Le mot tactique désigne à l’origine (grec taktikòs) la disposition des troupes de combat avant la bataille : on est dans l’opérationnel. Le mot stratégie a également des origines militaires (grec strategos) : on est dans la vision de gagner la guerre, pas la bataille.

Sur le papier, Waterloo ne pouvait se solder que par une victoire écrasante et rapide de Napoléon en 1815 (stratégie : détruire les forces de Wellington avant l’arrivée des troupes prussiennes de Blücher). Pour autant, trois erreurs tactiques ont conduit au désastre :

 

 

4/ Seule compte l’action

 

Nous vivons dans une sorte de consensus démagogique où « la pensée est toujours stérile », « la théorie est abstraite », « les concepts ne servent à rien ». Selon l’opinion commune penser et agir sont deux choses non seulement différentes mais même opposées. Tant que quelqu’un pense ou réfléchit ou, pire encore, médite, rêve, il n’agit évidemment pas. C’est donc considéré, parfois, comme un temps « improductif » voire inutile. Et la parole n’est pas loin de subir le même anathème (« c’est du bla, bla, bla, … »).

Or, la parole est la médiation de la pensée qui lui permet d’être diffusée et comprise : une pensée inexprimée reste une pensée indéterminée, c’est à dire une absence de pensée. L’action, elle, permet de transformer la pensée en réalité : les deux sont liées. Pour reprendre la citation de Gustave Le Bon « la pensée sans action est un vain mirage, l’action sans pensée un vain effort ».

La pensée, la parole et l’action sont complémentaires ; chaque chose en son temps et à sa place.

 

 

5/ La fin justifie les moyens

 

Ce cinquième lieu commun signifie que tous les moyens sont bons pour atteindre son but quitte à suivre des chemins condamnables pour y parvenir. Cet adage repose historiquement sur une interprétation simpliste de la pensée de Machiavel (« la politique est indifférente à la religion, à la morale et à l’honneur »).

Certes, pour parvenir à un objectif (stratégie), il faut s’en donner les moyens c’est à dire, à la fois, la capacité de le faire comprendre et accepter (politique) et le déploiement d’actions opérationnelles pour en assurer sa réalisation (tactique). Toutefois, cette démarche vertueuse peut être « triturée » par des managers peu scrupuleux ou malhonnêtes pour justifier des comportements despotes ou pervers prétextes à des abus malveillants.

Le manager stratège doit, dans le cadre de sa recherche de pouvoir, savoir contracter des alliances, faire des compromis, être habile et souple. Il ne s’agit pas pour autant de perdre son âme, de sombrer dans la corruption ou le clanisme au risque de la dégénérescence de sa vision, de la perte de vue de son ambition au profit de sa seule passion du pouvoir.

 

 

Conclusion

 

Nous avons, à raison, coutume de distinguer le management stratégique (Dirigeants et membre des Comités de Direction) pour porter une vision (le champ du « stratégique »), le management des managers (Responsables intermédiaires) qui doit communiquer et faire partager l’ambition (le champ du « politique ») et le management opérationnel (Responsables de proximité) qui a la charge de déployer les actions permettant d’atteindre les objectifs (le champ du « tactique »).

Cette étanchéité statique nécessaire pour clarifier ces trois territoires n’empêche pas la porosité dynamique de la réalité. Autrement dit, chaque manager, quel que soit son positionnement, doit pouvoir réfléchir à cette articulation entre la finalité (pour donner du sens), la communication auprès de tous les acteurs (pour générer compréhension et adhésion), et le déploiement des actions (pour garantir les résultats).

 

 

 

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