L’évaluation de la formation : un serpent de mer

L’évaluation de la formation : un serpent de mer

Jacques Gillot-Péan  2022

 

 

 

 

Introduction

 

 

L’utilité même de la formation n’est plus remise en cause, par contre, son efficacité et son retour sur investissement sont en question. Certes, la mesure de la qualité des actions de formation n’a jamais été négligée, tout au moins dans le discours ; néanmoins, elle portait sur la formation elle-même (objectifs, contenus, méthodes pédagogiques, savoir-faire de l’intervenant) et non sur les résultats observés et quantifiables générés à court et moyen terme. La formation continue est sortie de l’adolescence, elle n’a plus besoin de se justifier ; elle doit, en revanche, prouver son apport opérationnel.

 

Derrière la question de l’évaluation de la formation se cache aussi et surtout un souci de rentabilité de l’investissement. Face aux budgets mis en jeu, la formation tend à être envisagée comme un service marchand comme un autre ; la logique de régulation de l’offre et de la demande fonctionne comme partout ailleurs.

Ainsi apparaissent les querelles enflammées entre les chantres de l’homologation, l’habilitation ou « label qualité » en tout genre et ceux pour qui la normalisation de l’investissement intellectuel n’est pas une question sérieuse. On suppute plus qu’on ne mesure l’efficacité de la formation, on ressent plus qu’on objective les dangers de non-formation.

 

De quoi parle-t-on quand on parle de « l’évaluation de la formation » ? Quelles conditions permettent une réelle mesure du retour sur investissement ? Quels enjeux poursuivent les différents interlocuteurs qui interviennent dans le processus ? Quel est le véritable objectif de la formation ?

 

L’évaluation du taux de satisfaction de la formation

 

La mesure du taux de satisfaction a constitué la procédure quasi unique de l’évaluation de la formation professionnelle des années 1970-2000. Aujourd’hui, son utilisation reste encore fréquente mais sa pertinence est, parfois, discutée. Beaucoup de services formation considèrent cette mesure comme une survivance du passé, sympathique, certes, mais désuète.

 

Nous pensons, au contraire, que cette approche, très décriée, reste utile ; en effet, si un bon taux de satisfaction ne garantit jamais l’efficacité à terme de la formation, un mauvais garantit toujours l’insuccès à court, moyen et long terme.

 

L’évaluation du taux de satisfaction de la formation est utile à plus d’un titre :

 

 

 

La mesure du retour sur investissement de la formation

 

 

Une difficulté majeure de l’évaluation des résultats d’une action de formation réside dans le fait qu’on attribue le succès de l’opération au seul acte formateur. Bien souvent, c’est un ensemble de paramètres interdépendants qui explique la raison du succès.

 

Si l’évaluation est un fait et non une opinion, elle doit porter sur des critères observables et quantifiables. Naissent alors des interrogations auxquelles il convient de répondre précisément afin de déterminer la procédure et l’outil appropriés.

Le risque de se tromper d’objectif est réel : si l’objectif pédagogique de la formation repose essentiellement sur l’acquisition d’un savoir, la méthode s’avère judicieuse mais si l’objectif pédagogique porte sur l’acquisition d’un savoir-faire, la méthode se trompe de cible.

 

L’importance de l’action doit justifier la nature du dispositif de suivi et de mesure du retour sur investissement.

 

Signalons, sans les aborder ici, qu’il existe au moins deux outils permettant d’appréhender globalement la fonction formation : l’audit du service formation et l’étude d’image de la fonction formation au sein de l’établissement.

 

 

 

Les conditions de succès pour une cohérence

 

 

Chacun s’accorde à reconnaître aujourd’hui que la formation n’est pas un luxe octroyé par les patrons généreux au partenaires sociaux mais une obligation pour que l’entreprise s’adapte et se développe. Cependant, vouloir parler, comme certains le font, de façon creuse, d’évaluation de la formation, de formation/investissement, ou de normalisation de toutes prestations aboutit, pour le moins, à une incompréhension et une impasse.

 

Si on souhaite clarifier le débat et apporter des réponses pragmatiques à ce problème il faut remplir un certain nombre de conditions :

1/ Poser la problématique : de quoi parle-t-on quand on parle « d’évaluation de la formation » ?

2/ Respecter une démarche méthodique : mettre en place un système de mesure, définir des objectifs opératoires, intégrer les responsables hiérarchiques, déterminer un système pour alimenter les indicateurs de résultats.

3/ Repenser en permanence le système client : réaliser une analyse fine, stratégique entre l’unité de formation, le formateur, les formés.

4/ Entrer dans une nomenclature des objectifs : cette nomenclature des objectifs indique clairement la nature plurielle de l’évaluation de la formation et la complémentarité des différents dispositifs sur lesquels elle repose.

 

 

 

Conclusion

 

 

La question de l’évaluation de la formation reflète l’émergence du primat de la rationalité économique et de la performance. Elle signale aussi la complexité du problème par son énoncé même. « L’évaluation de la formation » : cette formule est vide de sens ; de quel type d’évaluation parlons-nous ?

Sans ces distinctions, la question de l’évaluation de la formation reste un serpent de mer, un discours et un vœu pieu.

 

Dans un contexte où la compétitivité et la performance comptent avant tout, l’activité formation ne peut rester hors-jeu et ne pas avoir à rendre des comptes de ses résultats. Cependant, le risque de privilégier le court terme, le spectaculaire, la mesure pour la mesure existe réellement. La formation culturelle reste un labourage nécessaire pour toute acquisition de compétences nouvelles. Donner des savoir-faire directement opérationnels à des personnes qui ne développent aucune réflexion sur leur pratique professionnelle et qui n’accroissent pas, en même temps, leur savoir être ne mène pas bien loin.

 

L’utilitaire ne doit pas conduire à l’utilitarisme et le pragmatisme au crétinisme. Refuser l’importance du développement personnel, c’est refuser le fondement même de la formation.

 

 

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