Jacques Gillot-Péan 2023
Introduction
Pour choisir sa façon de gérer un conflit individuel, le manager doit prendre en compte plusieurs éléments distincts : la nature de l’opposition (conflit d’intérêt, conflit statutaire, conflit relationnel, conflit affectif…), le fait déclencheur, le moment opportun, le rapport des forces en présence.
Toutefois, deux tendances fondamentales apparaissent et interagissent pour faire face à une situation de conflit :
- L’affirmation de soi :
c’est toute l’énergie que dépense une personne pour défendre son point de vue, pour faire respecter son territoire, pour atteindre son objectif même si cette attitude peut aller à l’encontre des intérêts de son interlocuteur. - La prise en compte de l’autre :
c’est toute l’énergie que dépense une personne pour comprendre et satisfaire le point de vue de son interlocuteur même si cette attitude peut aller à l’encontre de ses propres intérêts.
Le poids accordé à l’une ou l’autre de ces deux attitudes fondamentales va déterminer la tactique mise en œuvre par le manager, que cette tactique résulte d’un réflexe, d’un héritage du passé ou d’un acte réfléchi.
Les cinq tactiques de gestion des conflits individuels
1 / La démission
Sur ce territoire, face à une divergence ou un conflit le manager manifeste un comportement d’évitement ou de fuite : tout faire pour ne pas être confronté à son interlocuteur. C’est, en quelque sorte, «la politique de l’autruche».
Cette position (comme toutes les positions) peut être utile et efficace (« courage, fuyons ! »). Toutefois elle comporte deux inconvénients majeurs :
- Le problème n’est pas réglé et il a donc toutes les chances (ou tous les risques) de revenir
- Ce territoire a tendance à s’accroître naturellement et le manager peut donner l’image d’un responsable « frileux » dans les situations délicates.
2 / La soumission
Sur ce territoire, face à une divergence ou un conflit, le manager manifeste un comportement d’acceptation. Contrairement à « la démission », dans cette tactique le manager aborde le conflit mais il finit par accepter la position de son interlocuteur, par lui donner raison.
Cette position acceptable dans un premier temps (« reculer pour mieux sauter ») non seulement n’est pas tenable dans la durée mais, en plus, elle laisse des traces amères chez le manager qui sait qu’il a, peut-être, fait preuve de paresse ou de lâcheté.
3 / La domination
Sur ce territoire, face à une divergence ou un conflit le manager manifeste un comportement d’affrontement. Dans cette situation ce qui intéresse le manager c’est de l’emporter sur l’autre coûte que coûte ; il utilise, pour ce faire, toutes les armes à sa disposition (manipulation, chantage, menace…).
Cette position peut être efficace (à condition d’être victorieux dans ce combat gagnant/perdant) dans le cadre d’une relation « one shot » ; dans une relation durable, l’interlocuteur qui a « subit » une domination cherchera toujours à obtenir une revanche (parfois 20 ans après). Une blessure narcissique se referme rarement.
4 / Le compromis
Sur ce territoire, face à une divergence ou un conflit le manager manifeste un comportement de concession. C’est la stratégie du marchandage, du « couper la poire en deux », du 50/50. Elle a l’intérêt d’arranger les choses en évitant (ou en retardant) la discussion sur les aspects essentiels. Chacun lâche une partie de sa position de départ en laissant dans le flou les problèmes de fond.
Cette position utile dans l’immédiat (solution d’attente) ou efficace dans la durée (il existe de très bons compromis) n’est pas très créative (chacun réduit sa toile) surtout si le compromis est obtenu très rapidement.
5 / La négociation
Sur ce territoire, face à une divergence ou un conflit le manager manifeste un comportement de confrontation et de régulation. C’est la stratégie du « gagnant/gagnant » permettant la résolution du conflit et obligeant chacune des deux parties à aller jusqu’au bout de ses convictions (affirmation de soi) et jusqu’au bout de la prise en compte de l’autre.
Cette position (la plus constructive des cinq tactiques) suppose pour être crédible trois conditions :
- La reconnaissance par les deux interlocuteurs de la réalité de la divergence pour éviter le quiproquo, le malentendu ou le dialogue de sourd (on s’engueule car on ne parle pas de la même chose)
- La volonté partagée de parvenir à un accord pour éviter le simulacre de la communication : on discute mais, au fond, c’est un jeu de pouvoir.
- L’existence d’enjeux réels et forts : on ne négocie pas « pour un oui ou pour un non » sans quoi la concentration des acteurs et le professionnalisme de la démarche ne sont pas au rendez-vous.
Conclusion
Les conflits individuels mal gérés peuvent avoir des conséquences négatives voire dramatiques tant au niveau des personnes (perte de confiance, de performance, de dynamisme) que de l’entreprise ou de l’unité (baisse de la productivité, mauvaise image, émergence d’un climat délétère). Il est donc nécessaire d’appréhender avec sérieux et précision la gestion d’un conflit individuel.
Toutefois, si le manager doit savoir gérer le conflit lorsqu’il advient, la prévention reste la meilleure « arme » pour éviter ce genre de situation. Elle consiste à consolider en permanence l’esprit d’équipe et à faire vivre un système de motivation et de stimulation pertinent au regard des attentes des collaborateurs et des valeurs de l’entreprise.
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