Transmission : un dilemme cornélien pour une entreprise familiale

Transmission : un dilemme cornélien pour une entreprise familiale

 

Jacques Gillot-Péan  2022

 

 

 

 

Introduction

 

 

Réussir une transmission d’entreprise est souvent plus difficile que de construire l’entreprise elle-même. L’Insee estime que dans les dix prochaines années, 50% des chefs d’entreprise familiale vont se retirer. Il s’agit pour beaucoup de fondateurs qui ont créé leur affaire dans la période de forte expansion économique. Chaque année plus de 60.000 entreprises seront concernées et 4.000 d’entre elles emploient plus de dix salariés.

La question de la pérennité de l’actionnariat familial et la continuité de l’entreprise a été, en partie, réglée par l’allègement de la fiscalité sur la transmission d’entreprise notamment en cas de disparition brutale du fondateur.

La vraie question aujourd’hui est de créer un contexte favorable au niveau de la gouvernance pour assurer l’avenir du business existant. Les propriétaires cédants ne savent pas toujours bien déléguer leurs affaires même au sein de leur famille. L’échec de la transmission de compétences contribue à la disparition de nombreuses entreprises familiales : seules 30% des entreprises familiales survivent à la première génération et seulement 10% jusqu’à la troisième génération.

Cette question s’avère d’autant plus cruciale pour un dirigeant fondateur que l’héritier « légitime » (fils, gendre, neveu ou autre membre de la famille pressenti) ne l’est pas en termes de compétences reconnues par le board et que parallèlement un cadre dirigeant de l’entreprise (non-membre de la famille) a montré toutes les dispositions pour garantir le succès futur de l’entreprise.

Le dilemme devient alors quasi cornélien pour le fondateur : faut-il « quoi qu’il en coûte » privilégier le choix de la famille même si un procès en incompétence risque de s’ouvrir ? Faut-il désigner le cadre dirigeant reconnu même si le risque de « blessure narcissique » et/ou de perte du contrôle patrimonial existe ? Existent-ils d’autres choix pour le dirigeant fondateur face à cette situation ?

 

 

 

Le choix affectif de l’héritier

 

 

Un membre de la famille constitue, en général, une solution évidente pour permettre au dirigeant fondateur de transmettre son entreprise et ainsi de prolonger par le lien du sang l’œuvre accomplie. Cette opération réussit d’autant mieux que l’héritier n’essaye pas de « cloner » le fondateur mais apporte une valeur ajoutée spécifique. C’est parfois, pour le dirigeant fondateur une façon de ne pas partir, de rester présent même dans l’ombre en continuant à prendre (ou influencer) les décisions stratégiques. Cette solution comporte de plus bien des avantages en matière de préservation du patrimoine.

 

Toutefois, ce choix affectif est semé d’embuches lorsque l’héritier n’apparaît pas comme « l’homme de la situation » au regard des attentes et des enjeux d’une direction d’entreprise. L’héritier est confronté à cinq risques majeurs :

 

Reconnaissons, tout de même, que, parfois, la « fonction crée l’organe » : un héritier jugé peu compétent et motivé pour la fonction de dirigeant, une fois installé, déploie ses ailes, se révèle et devient un manager stratégique reconnu.

 

 

 

Le choix rationnel du manager

 

 

Un dirigeant non-membre de la famille peut constituer une meilleure solution pour préparer l’avenir car il est affranchi des pesanteurs historiques ou sentimentales qui, parfois, sclérosent l’entreprise et empêchent de prendre certaines décisions innovantes ou douloureuses. De plus, lorsque que le manager est reconnu comme le dauphin légitime au regard de sa compétence et de sa motivation, cette option semble évidente.

 

 

Pour autant, ce choix rationnel reste, lui aussi, semé d’embûches. Le nouveau manager dirigeant est confronté très rapidement à quatre difficultés majeures qui peuvent mettre en péril le succès de cette transmission :

 

Le manager repreneur, reconnu par les professionnels de son secteur d’activité, est régulièrement « chassé » par des cabinets de recrutement. Face à une situation qui l’empêche ou qui le bride et sans l’espoir de devenir propriétaire de l’entreprise familiale, il peut être tenté de répondre aux appels et vivre une nouvelle aventure entrepreneuriale.

 

 

 

Conclusion : l’autre choix

 

 

Toutes les expériences montrent que les entreprises dont l’actionnariat est familial et le dirigeant un manageur extérieur compétent sont mieux armées pour prendre de bonnes décisions dans des contextes difficiles du fait d’un bon équilibre entre pouvoir et contre-pouvoir.

Il est possible d’envisager un tandem gagnant entre un dirigeant héritier non reconnu comme compétent et un manager non-héritier mais reconnu pour sa compétence. Pour ce faire, il convient pour le dirigeant fondateur de créer, dans le temps, une complicité, une fraternité, une solidarité entre les deux acteurs non pas sur le terrain de l’entreprise mais sur celui de l’humanité. Le jour venu, chacun trouvera naturellement sa place sans jeux et sans enjeux de pouvoir.

 

 Cette « stratégie » de transmission repose sur cinq temps essentiels :

 

 

 

 

 

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