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Le métier de consultant : tremplin attrayant ou cimetière des éléphants

Le métier de consultant : tremplin attrayant ou cimetière des éléphants

Jacques Gillot-Péan 

 

 

Introduction

 

« Tu ne sais pas quoi faire une fois diplômé ? Tu n’as qu’à faire du conseil ! » Ses études (souvent brillantes) terminées, le jeune diplômé intègre un cabinet de conseil pour fourbir ses premières armes professionnelles, acquérir de l’expérience et construire progressivement sa future carrière opérationnelle : le métier de consultant est vécu comme un tremplin attrayant.

« Tu en as marre de travailler dans ton entreprise ? Tu n’as qu’à créer ton cabinet de conseil ! » Après des années d’exercices de différents métiers opérationnels puis de manager, le « vieux » salarié souhaite capitaliser sur son expérience, faire fructifier son expertise et utiliser sa notoriété et/ou ses réseaux pour vivre (si possible de façon lucrative) la dernière partie de sa vie professionnelle : le métier de consultant devient un « cimetière des éléphants ».

Ces commentaires, souvent entendus, montrent que le métier de consultant en entreprise reste équivoque, controversé et, souvent, méconnu : pygmalion ou charlatan pour les uns, homme-orchestre ou bouffon du roi pour d’autres, dirigeant occulte ou « béni oui-oui » pour d’autres encore, le consultant ne mérite sans doute ni cet « excès d’honneur ni cette indignité ». Toutefois, il convient de clarifier le rôle et les responsabilités d’un consultant vis à vis d’un dirigeant d’entreprise pour éviter toute ambiguïté, de mettre en lumière sa réelle valeur ajoutée pour justifier son coût parfois élevé et d’éviter les syndromes du métier pour rendre la relation du dirigeant et de son conseil saine et nourrissante.

 

 

Le rôle et les responsabilités d’un consultant

 

Le conseil c’est une intervention réalisée dans une entreprise par un expert extérieur à cette entreprise. Pour un consultant « jeune », l’expertise se justifie par un diplôme prestigieux ou la maîtrise d’une compétence rare : il ne connaît pas le « terrain » mais c’est une « belle mécanique intellectuelle ». Pour un consultant « senior », l’expertise peut se justifier par les mêmes éléments s’il en dispose ou par une longue expérience dans le domaine d’activité et la maîtrise d’un réseau influent. Sa responsabilité consiste à intervenir au cœur de l’entreprise sans, pour autant, devenir un opérationnel, à aider le dirigeant à prendre ses décisions sans, pour autant, les prendre lui-même.

 

Dans tous les cas de figures le rôle du consultant s’articule autour de quatre temps essentiels :

1/ Le diagnostic : il porte sur la compréhension de la situation à l’aide d’une étude des documents disponibles et de la rencontre des différents acteurs clés liés à la problématique. La méthodologie rigoureuse du consultant doit rendre cette phase plus nourrie, plus courte et plus ciblée que si elle était réalisée en interne où les risques de rétention, de déformation voire de manipulation peuvent exister.

2/ L’analyse : elle porte sur des interprétations de la situation, la mise en lumière d’une hypothèse crédible et la présentation d’un devenir possible en tenant compte des menaces et des opportunités. Dans cette phase, la « production » du consultant doit être plus complète et plus ajustée que s’il elle était réalisée en interne compte tenu de son expertise dans la technique d’analyse et/ou de sa courbe d’expérience face à des situations similaires ou voisines qu’il a rencontrées dans d’autres mondes.

3/ La solution : elle porte sur une offre d’options possibles pour répondre à la problématique de départ. Compte tenu de la connaissance et/ou de l’expérience du consultant, la palette est plus vaste et plus variée que l’offre interne. De plus, le consultant s’implique, s’engage en priorisant une option plutôt qu’une autre sans a priori et sans frein face à la conduite du changement que la solution peut ou va générer.

4/ La présentation : elle porte sur une communication, une discussion voire une négociation avec le commanditaire de l’opération (le plus souvent, le dirigeant de l’entreprise). Le bon conseil est celui qui est compris et partagé par le commanditaire. Le consultant est libre de sa parole, il n’a pas de frein lié à une « dépendance » hiérarchique. De plus sa présentation touche plusieurs dimensions : le conseil stratégique orienté vers les enjeux, l’ambition et la ligne directrice ; le conseil opérationnel orienté vers les objectifs, les actions et les ressources.

 

 

La valeur ajoutée d’un consultant

 

Le coût du conseil vaut-il le coup ? Pourquoi faire appel à un consultant ?

Le dirigeant sollicite les services d’un consultant car il souhaite changer quelque chose, atteindre quelque chose et il ne sait pas vraiment comment faire : il est perdu dans ses réflexions, il est confronté à des obstacles qu’il ne sait pas surmonter ou à des connaissances qu’il n’a pas acquises.

Là réside le travail du consultant : aider le dirigeant à résoudre des problèmes, à clarifier sa réflexion, à atteindre un résultat. Par conséquent, la question du coût devient annexe car plus l’objectif est précieux plus le dirigeant est prêt à payer pour être aidé.

 

Certes la nature du conseil aide à clarifier des tarifs d’intervention : le conseil stratégique engage l’entreprise de façon globale et dans un temps long, le conseil opérationnel propose une conduite de changement limitée à une opération de court et moyen terme. Toutefois au regard du dirigeant, la valeur ajoutée d’un consultant repose essentiellement sur la réponse (positive) aux questions suivantes :

 

Enfin, reste une question fondamentale pour déterminer la valeur ajoutée d’un consultant :  c’est celle de la nature et de la qualité de la relation que le consultant installe avec son (ou ses) interlocuteur(s).

 

 

La relation entre le dirigeant et son conseil

 

Le dirigeant dirige, le conseiller conseille. Ce truisme doit pourtant constituer le fondement de la relation entre les deux acteurs.

 

1/ Le dirigeant dirige : seul le dirigeant est légitime pour porter une ambition, décider du cap stratégique, défendre le système de valeurs de son entreprise. Il peut s’appuyer sur une équipe (le Comité de Direction) pour partager sa vision et faire en sorte qu’elle soit diffusée et mise en œuvre. Comme il ne sait pas tout, il a tout intérêt à s’offrir les services d’ un consultant externe pour l’éclairer, lui apporter la contradiction et, ainsi, l’aider à accoucher de sa vision. Toutefois, la stratégie doit être incarnée par une personne et il vaut mieux qu’il s’agisse du dirigeant légitime.

 

2/ Le conseiller conseille : il est spécialiste de l’analyse stratégique, de la conduite du changement, de la gestion des conflits mais il ne fait pas partie du jeu de pouvoir de l’entreprise, il reste externe pour garder sa liberté de parole et de pensée. De la même façon, la relation entre le dirigeant et son conseil est dénuée de tout affect (ce qui n’empêche pas des moments d’émotions partagées), c’est la règle pour éviter toute contamination affective, toute partialité ; comme chacun sait « l’amour rend aveugle, la haine, la jalousie, les enjeux personnels également ».

 

Le contrat qui unit le dirigeant et son conseil reste un contrat rémunéré : cela évite toute relation équivoque, cela oblige le conseil au professionnalisme dans son intervention, cela permet au dirigeant de ne rien devoir à son conseil (ni reconnaissance, ni fidélité).

 

 

Conclusion

 

Bien étrange ce métier de consultant qui conseille les entreprises alors qu’il ne pratique pas leur métier, qui propose des solutions dans des domaines qui ne sont pas forcément les siens, qui exerce une réelle influence dans le devenir d’une organisation sans détenir les clés du pouvoir.

Dans un monde complexe qui bouge en permanence, les grands bateaux peuvent-ils se passer des petits remorqueurs pour réussir les manœuvres délicates dans le port, et les petits bateaux peuvent-ils se passer des instruments de navigation pour aborder d’autres horizons ?

Quel que soit le niveau de maturité professionnelle de la personne qui exerce le métier de consultant, une consultation entre un conseil et son client suppose des connaissances et de l’expertise (diagnostic, analyse, solution, présentation) mais aussi un contrat relationnel clair (confiance, liberté, engagement). Tout comme une consultation entre un médecin et son patient c’est à ce prix que la conduite de la mission du consultant connaitra le succès.

 

 

 

 

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